Champions de l'inclusion : Sunetro Lahiri et Florencia Spinetta
La représentation de la communauté LGBTQAI+ dans la publicité et l'importance de créer des espaces sûrs pour mener les conversations sans tabous
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À l'occasion de la réunion du nouveau Conseil mondial de l'inclusion de WPP en septembre et de la Semaine nationale de l'inclusion dans tout le Royaume-Uni, WPP regroupe 12 acteurs de changement issus de l'ensemble du réseau. Ces derniers animent des conversations clés sur l'inclusion et la diversité ainsi que sur le nouveau programme appliqué au secteur tout entier. Au cours de six conversations, ils discutent des actions, des initiatives et du pouvoir de la publicité et du marketing pour susciter des changements dans la société au sens large.
Sunetro Lahiri, AVP (Créatif), The Glitch, Mumbai, et Florencia Spinetta, directrice des opérations, Santo, Buenos Aires, parlent de la représentation de la communauté LGBTQAI+ dans la publicité, de l'importance de créer des espaces sûrs pour mener des conversations sans tabous et de la transformation créative, qui est en fait une tentative constante de faire évoluer les choses.
Sunetro Lahiri, AVP (Créatif), The Glitch : J'ai toujours voulu raconter des histoires. Je voulais créer de belles choses et voir des choses à l'écran qui me rendaient heureux. Cette industrie m'a permis de réaliser cette ambition. Elle crée de nouveaux paysages, tout en vous permettant de vous ancrer dans la réalité. La publicité vous permet de construire ce genre de monde.
Florencia Spinetta, Directrice des opérations, Santo : Avez-vous déjà été confronté à des difficultés et à des obstacles au cours de votre expérience dans le secteur ?
SL : Pas vraiment au niveau organisationnel, mais je sais que les queers et les queers de couleur sont confrontés à beaucoup de microagressions. Certaines personnes refusent d'apprendre ou de respecter les pronoms des autres, ce qui en 2020 devrait être entré dans les mœurs. Personnellement, je n'ai pas été dans cette situation, mais je suis indigné de voir ce type de comportements autour de moi.
De même, si on montre différents types de relations et différents types de familles dans le monde publicitaire, pourquoi la représentation des queers est-elle presque devenu une revendication ? Pourquoi est-ce une accroche ? Pourquoi est-ce que c'est la surprise de l'histoire ? En ce qui me concerne, c'est l'une des difficultés que j'ai rencontrées, car j'ai dû me battre contre le monde entier pour mettre en avant dans une publicité deux garçons se rapprochant. J'ai mis un point d'honneur à souligner que mon but n'était pas qu'on regarde la publicité, mais de mettre en avant la représentation de cette communauté. Pour moi il est très important de faire savoir que je ne cherche pas à jouer sur un ressort émotionnel, mais que j'ai simplement envie de dire « Je fais partie d'une communauté plus vaste et je comprends ce que cette communauté veut voir, alors vous avez sans doute intérêt à m'écouter. »
Je pense que c'est l'un des grandes combats de certains pays (comme l'Inde) où le libéralisme extrême et le conservatisme vivent côte à côte.
Avez-vous été confrontée à des difficultés similaires dans votre carrière ?
FS : Je pense que nous connaissons tous des difficultés dans notre parcours et en ce qui me concerne, j'essaye de transformer les obstacles en défis que je peux surmonter. C'est ce qui m'a conduit à ma position actuelle. Bien sûr, en tant que femme, ma carrière a été jalonnée d'obstacles. Cependant, je suis également très chanceuse, car j'ai été témoin du changement des mentalités sur la place des femmes sur le lieu de travail. Au sein de notre agence, j'ai toujours senti que je pouvais me faire entendre et on m'a toujours poussée à progresser. Bien qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour les femmes, je pense que j'ai vécu au bon endroit au bon moment.
J'ai été témoin du changement des mentalités sur la place des femmes sur le lieu de travail. Au sein de notre agence, j'ai toujours senti que je pouvais me faire entendre et on m'a toujours poussée à progresser.
SL : S'il y a une chose dont je me suis rendu compte, c'est que, bien que je sois queer, en tant qu'homme cis, j'ai certains privilèges. Il est très important pour moi de les utiliser de manière à redistribuer une partie des privilèges qui se sont accumulés au fil du temps et qui proviennent des anciens blocs patriarcaux.
L'année dernière, j'ai lancé un podcast qui est rapidement devenu l'un podcasts queer les plus populaires en Inde. Ça s'appelle GayBCD et c'est en gros l'alphabet de tout l'univers queer. Le podcast et le fait de faire entendre ma voix, de façon honnête et sans filtre, représentent une autre facette de la diversité pour moi. Je le dis et je le répète : on ne peut pas être quelque chose qu'on ne voit et n'entend pas. Il est très important que les gens en prennent conscience. Dans le domaine du marketing, je peux porter des chaussures à talons de douze centimètres et entrer dans un bureau sans perdre le respect de mes pairs. En partageant mon expérience avec d'autres personnes, je les incite à ne plus avoir peur d'être elles-mêmes sur leur lieu de travail.
FS : Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il est fondamental de mettre en place des espaces dédiés à ces conversations. D'ailleurs, le travail que nous réalisons pour Sprite depuis 2018 en est la preuve. D'abord, nous avons lancé la campagne Love Your Hater, qui s'adressait principalement à la génération Z. Ensuite, nous avons créé la campagne You're Not Alone, destinée aux adolescents qui ne savent pas vraiment comment parler des problèmes corporels, d'identité sexuelle, et nous avons créé un espace/forum où ils pouvaient en parler anonymement et avec d'autres.
Sous la même bannière You're Not Alone, nous avons lancé Pride en novembre dernier, lors de la Gay Pride Parade en Argentine. Nous avons interrogé des personnes avec de vraies histoires. C'était très émouvant d'entendre ces histoires et j'étais très fière de faire partie de cette initiative.
Cela vaut tous les trophées du monde. Et la plus belle des récompenses, c'est l'écho trouvé chez ce public cible et le fait que ça l'a vraiment touché.
Selon vous, y a-t-il eu récemment un changement dans la façon dont la société parle de l'inclusion et de la diversité ?
SL : Totalement, et probablement plus encore dans d'autres pays en dehors de l'Inde. Certaines personnes n'ont pas encore rejoint le mouvement, mais les lieux de travail deviennent incontestablement beaucoup plus conscients de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, et honnêtement, je pense que nous le devons au mouvement #MeToo. Tout a commencé là.
Pourquoi le sexe, l'appartenance ethnique et la sexualité devraient-ils être pris en compte dans un parcours professionnel ? C'est pourquoi de plus en plus d'organisations adoptent des processus d'embauche sans distinction de couleur et de genre. Pour moi, c'est aux dirigeants de modifier le cap. Il faut que les PDG et les directeurs des opérations disent : « Vous savez quoi ? À partir d'aujourd'hui, nous allons faire les choses différemment, parce que la méthode actuelle ne fonctionne pas. » J'ai vraiment de la chance de faire partie d'une organisation comme The Glitch qui adhère à cette philosophie. C'est une organisation qui ne tient pas du tout compte de ces catégorisations.
FS : Je pense que nous vivons une véritable transformation en ce moment. Les conversations à ce sujet sont de plus en plus fréquentes sur les lieux de travail.
Dans les entreprises et chez les clients que je rencontre, on met davantage l'accent sur la recherche de la diversité, les expériences réelles et les différents modes de pensée. En fin de compte, je pense qu'il est très important de créer des réseaux qui peuvent encourager une sorte de changement coopératif et collectif.
SL : Je suis tout à fait d'accord. À mon avis, à l'avenir, ce sont les personnes qui assureront la survie des marques. Les marques subsistent en renvoyant aux gens leur véritable reflet. Si une marque ne saute pas sur l'occasion, elle sera rapidement dépassée et deviendra obsolète.
C'est un processus naturel. Il est évident qu'une annonce montrant une femme dans sa cuisine en train de préparer le repas pour son mari serait inimaginable aujourd'hui. Si une marque produit ce type de contenu, elle se tire une balle dans le pied. Et je prévois la même chose pour la représentation et les histoires queer, peut-être pas demain, mais dans quelques années.
Il est très important que les gens en prennent conscience. Dans le domaine du marketing, je peux porter des chaussures à talons de douze centimètres et entrer dans un bureau sans perdre le respect de mes pairs. En partageant mon expérience avec d'autres personnes, je les incite à ne plus avoir peur d'être elles-mêmes sur leur lieu de travail.
FS : Quel conseil donneriez-vous aux marques qui souhaitent s'engager en faveur de la communauté LGBTQAI+ ?
SL : Nous devons comprendre que représenter la communauté LGBTQAI+ queer n'est pas « cool ». Ce n'est pas « d'actualité ». Ce n'est pas la « prochaine campagne primée ». Nous devons éviter à tout prix cette mentalité et commencer à penser à la représentation et à la réalité. Nous devons montrer sans relâche une réalité concrète et authentique.
FS : Pour revenir sur le fait que WPP est une entreprise de transformation créative, pour moi, cela signifie utiliser la créativité pour influencer les activités de tous nos clients. Cela inclut la diversité des équipes réalisant des idées différentes qui rassemblent les lieux, la technologie, et tous ces différents éléments. Ensemble, ils enrichissent les solutions des clients et cela transforme vraiment les entreprises des clients et crée des résultats positifs.
Comment interprétez-vous la transformation créative ?
SL : Pour moi, la transformation créative est en fait une tentative constante de faire changer les choses et l'idée de mouvement permanent est très importante, car nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Il faut constamment réfléchir à ce qui doit être fait demain. Et encore une fois, cela ne concerne pas seulement la technologie, l'innovations et les idées novatrice, mais aussi la diversité et l'inclusion. Par exemple, si vous faites avancer les choses en faveur de la représentation des hommes queer, ne vous arrêtez pas là.
C'est un peu comme une bande élastique : si la réajuste lentement et soigneusement, on ne la brise pas, mais on étire ses limites. Pour moi, c'est ça la transformation créative. C'est regarder en arrière et voir que l'on a constamment fait évoluer les choses à chaque étape. Et tout cela sans s'interrompre, sans caler et sans stagner. Pour moi, c'est ça la transformation créative.
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